Dissolution sans liquidation : comprendre la transmission universelle de patrimoine
Qu'est-ce que la dissolution sans liquidation ?
Je vous propose de lever le voile sur une notion juridique qui peut sembler complexe au premier abord : la dissolution sans liquidation assortie de la transmission universelle de patrimoine, souvent appelée TUP. Imaginons un entrepreneur ou un groupe de sociétés qui souhaite simplifier sa structure. Au lieu de procéder à une liquidation classique, longue et coûteuse, il est parfois possible d’opter pour la TUP. Le principe clé de ce mécanisme : l’entreprise dissoute transfère d’un coup tout son patrimoine – actifs, passifs, droits et obligations – à une autre entité, sans avoir à mettre en œuvre le processus traditionnel de liquidation. L’opération peut se révéler avantageuse en termes de rapidité et de coûts, à condition de respecter certains critères légaux précis.
Dans ma pratique d’accompagnement juridique, j’ai constaté que de nombreux dirigeants ne connaissent pas ce dispositif, ou le jugent trop compliqué pour oser s’y aventurer. Pourtant, lorsqu’il s’agit d’absorber une filiale dans une société mère, de restructurer un groupe ou de transmettre des activités de façon plus fluide, la dissolution sans liquidation peut être un levier précieux. C’est un instrument particulièrement pertinent pour les sociétés à associé unique, comme les entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée (EURL) ou les sociétés par actions simplifiées unipersonnelles (SASU). Toutefois, elle peut aussi trouver sa place dans d’autres configurations, sous certaines conditions. L’objectif de cet article est de vous expliquer en détail les arcanes de ce processus, afin de vous permettre de décider en toute connaissance de cause si la TUP est la voie adaptée à votre projet.
En quoi consiste la transmission universelle de patrimoine (TUP) ?
Le terme « universelle » n’est pas galvaudé : il signifie bien que l’intégralité du patrimoine de la société dissoute est transférée à l’associé unique ou à la société détentrice de toutes les parts ou actions. Contrairement à une cession de parts, qui suppose un acte spécifique et un accord sur la valeur de chaque titre, la TUP permet un transfert collectif de tous les éléments de l’actif et du passif sans formalisation de la vente de titres. Concrètement, allons prendre un exemple simple : imaginons la Société A, filiale détenue à 100 % par la Société B. Si la Société B décide d’adopter la procédure de TUP pour la Société A, la Société A va être dissoute, mais il n’y aura pas de processus de liquidation tel qu’on l’entend habituellement (liquidateur nommé, inventaire, règlement des dettes, vente des actifs, etc.). Tous les biens, droits et obligations de la Société A rejoignent immédiatement la Société B.
Cette opération présente un gain de temps notable parce qu’elle évite les formalités lourdes du plan de liquidation. Au lieu de longues procédures, les actifs (comptes bancaires, équipement, créances clients) et les passifs (dettes fournisseurs, charges fiscales, emprunts) glissent dans le patrimoine de l’associé unique. Pour les groupes de sociétés, cette option peut simplifier la structure et limiter la prolifération de sociétés dormantes ou redondantes. Pour des entrepreneurs individuels transformant leur EURL en SASU, la TUP peut permettre, sous réserve d’une architecture appropriée, d’intégrer les projets au sein d’une holding ou de fusionner plusieurs entités. Comprendre cette mécanique est crucial afin de l’exploiter correctement dans des démarches d’optimisation et de restructuration.
Cadre légal et conditions d’application
Le fondement principal de la dissolution sans liquidation assortie de la TUP repose sur l’article 1844-5 du Code civil français. Dans son alinéa 3, cet article précise que lorsque la société dissoute n’a qu’un seul associé, tout son patrimoine est dévolu à cet associé, sans qu’il soit nécessaire de procéder à la liquidation. Toutefois, comme toute disposition légale, l’article 1844-5 obéit à des conditions préalables, dont la plus évidente réside dans le fait que l’associé doit détenir 100 % du capital au moment de la décision de dissolution. C’est le cas typique d’une dénommée « société unipersonnelle de fait ». Par ailleurs, des mentions légales obligatoires doivent figurer dans la décision de l’associé unique, notamment le rappel des dispositions de l’article 1844-5 du Code civil.
Une autre condition importante concerne la situation financière de la société dont on prononce la dissolution. En pratique, rien n’empêche une entreprise endettée d’aller vers la TUP, mais l’associé unique deviendra alors responsable des éventuelles dettes reprise « en bloc » dans son propre patrimoine. Par conséquent, la société absorbante doit être en mesure de gérer le passif transféré. La solvabilité des deux entités, l’une dissoute et l’autre bénéficiaire, est donc un sujet clé. Les créanciers, enfin, bénéficient d’un droit d’opposition à la transmission universelle de patrimoine. Cela signifie que si un créancier estime que la dissolution met en péril le règlement de sa créance, il peut former opposition devant le tribunal compétent. Cette opposition n’entraîne pas automatiquement l’échec de la TUP, mais elle oblige l’associé unique à prouver qu’il existe des garanties de paiement ou à régler la dette immédiatement.
Conséquences pratiques
La TUP est un outil réputé efficace pour réaliser des restructurations juridiques. Elle réorganise les organigrammes de groupes de sociétés tout en réduisant le nombre des entités. D’un point de vue comptable, la société absorbante continue de fonctionner avec un patrimoine agrandi. Les biens mobiliers et immobiliers sont directement inscrits à l’actif de la société bénéficiaire. Sur le plan fiscal, il existe des situations où la dissolution sans liquidation peut bénéficier d’un régime de faveur, notamment si la TUP s’inscrit dans la continuité de l’activité ou dans certaines opérations de réorganisation intragroupe. Toutefois, ces régimes dérogatoires supposent de respecter des obligations déclaratives et de s’assurer que la finalité recherchée est conforme à la législation fiscale.
La dissolution sans liquidation génère aussi des impacts sociaux. Les salariés de la société dissoute rejoignent directement la société bénéficiaire de la TUP, selon le principe de la poursuite des contrats de travail. Les employeurs doivent donc veiller à la continuité des avantages acquis et au respect des obligations légales (notamment la consultation éventuelle des représentants du personnel, lorsque la taille de l’entreprise le requiert). Il est recommandé de se rapprocher d’un expert en droit du travail pour bien cadrer la transition, anticiper les conséquences sur le plan social et limiter les litiges. D’un point de vue purement opérationnel, la TUP doit être gérée avec soin pour que le transfert de fichiers clients, d’outils informatiques, de locaux ou de stocks s’effectue sans rupture pour l’activité.
Étapes et formalités
Les démarches associées à une dissolution sans liquidation formaliment se rapprochent de celles qui encadrent toute décision d’assemblée générale extraordinaire lorsque l’entreprise comporte un associé unique. Il faut d’abord que la décision de dissoudre soit correctement actée, puis faire connaître cette décision auprès des tiers par des publications légales, et enfin procéder à l’enregistrement et à la radiation de la société dissoute. Examinons de plus près le déroulement étape par étape pour lever les doutes qui pourraient persister.
Étape 1 : Décision de l’associé unique
Le point de départ, c’est la décision. L’associé unique, qu’il soit une personne physique ou morale, doit établir un acte formalisé (souvent appelé procès-verbal ou décision de l’associé unique) constatant la volonté de dissoudre la société sans liquidation. Cet acte doit comporter plusieurs mentions obligatoires. On y retrouve : la dénomination sociale de la société dissoute, le capital, le siège social, la confirmation que l’associé détient 100 % des parts, et la référence explicite à l’article 1844-5 alinéa 3 du Code civil. En signant ce document, l’associé unique endosse la responsabilité de toutes les conséquences financières, fiscales et sociales de la dissolution.
Il convient aussi de préciser le sort des éventuels apports en nature, des différents comptes courants d’associé et de mentionner la date effective de la dissolution. Dans la pratique, les dirigeants optent souvent pour une date qui coïncide avec la fin d’un exercice comptable, afin de faciliter la consolidation des comptes. Par ailleurs, si des clauses statutaires imposent des restrictions ou des mesures spéciales avant dissolution, il faut s’y conformer (par exemple, vérifier si un pacte d'actionnaires existe, même lorsqu'il n'y a qu’un associé unique, dans un contexte de groupe).
Étape 2 : Publication et publicité
Qui dit dissolution d’une société dit publication légale. Cette formalité informe les tiers – notamment les créanciers et les partenaires commerciaux – de la décision prise. Il s’agit de faire paraître un avis dans un journal d’annonces légales, généralement habilité dans le département du siège social de la société dissoute. L’avis doit préciser le nom de la société bénéficiaire, son numéro d’immatriculation, ainsi que la mention de la transmission universelle de patrimoine. Cette publication déclenche alors le point de départ du délai d’opposition des créanciers, qui est généralement de 30 jours. On voit ici l’importance de bien rédiger l’annonce légale, car tout oubli peut retarder l’opération ou engendrer des complications.
En complément, dans certains cas, une insertion au Bulletin Officiel des Annonces Civiles et Commerciales (BODACC) est requise, particulièrement lorsque la loi l’exige pour assurer la sécurité juridique de tiers. Lorsque je conseille mes clients, je leur recommande systématiquement de vérifier les exigences de publicité dans le ressort du greffe dont dépend la société. Ci-dessous, je vous propose une liste de points essentiels à contrôler avant la publication :
- Bien vérifier l’orthographe de la raison sociale et les coordonnées du siège
- Mentionner la date de la décision et la date d’effet
- Indiquer le délai d’opposition offert aux créanciers
- Inscrire les références légales (article 1844-5 du Code civil)
Étape 3 : Dépôt au greffe et radiation
Une fois les délais légaux écoulés, si aucune opposition n’a été formée ou si les oppositions ont été levées par un accord ou une décision de justice favorable, l’associé unique procède à la formalité de radiation de la société dissoute. Concrètement, il faut déposer un dossier au greffe du tribunal de commerce compétent. Ce dossier comporte la décision de l’associé unique, les justificatifs de publication, l’éventuel certificat de non-opposition et un formulaire M4 dûment rempli. Le greffe examine les pièces, puis, si tout est conforme, prononce la radiation de la société du Registre du commerce et des sociétés. Dès lors, la société dissoute n’a plus d’existence légale, et son patrimoine se retrouve de plein droit dans celui de la société bénéficiaire ou de l’associé unique personne physique.
C’est une étape sensible dont l’importance est souvent sous-estimée. Une mention imprécise, un document manquant ou une incohérence dans les dates peuvent retarder le processus et occasionner des frais supplémentaires. Par exemple, si les créanciers ont formé opposition, vous devrez justifier auprès du greffe que votre société a conclu un accord de remboursement ou apporté une garantie bancaire. Dans certains cas plus complexes, le tribunal peut exiger une expertise pour évaluer si votre entreprise sera en mesure de faire face à l’ensemble des dettes transférées, surtout si les montants en jeu sont élevés. Les entrepreneurs chevronnés le savent : l’anticipation et la rigueur documentaire jouent ici un rôle crucial.
Avantages et inconvénients de la TUP
Comme tout mécanisme juridique, la dissolution sans liquidation présente des points forts et des faiblesses. Le premier avantage, que j’observe régulièrement, est bien entendu la simplicité. Comparée à une liquidation classique, la TUP offre un gain de temps substantiel, car vous n’avez pas à nommer de liquidateur, à réaliser un inventaire exhaustif, ni à vendre chaque actif séparément. Le transfert patrimonial se fait en bloc, ce qui évite la multiplication de formalités coûteuses. C’est un bénéfice particulièrement appréciable pour les groupes de sociétés qui cherchent à regrouper leurs activités et limiter le nombre de structures formelles à gérer.
En revanche, la TUP peut s’avérer plus risquée d’un point de vue financier pour la société bénéficiaire ou l’associé unique. En effet, en absorbant l’actif, on absorbe aussi le passif. Si la société dissoute traîne d’importantes dettes (auprès de fournisseurs, de l’administration fiscale, de banques, etc.), elles seront automatiquement transférées. L’absorbant doit donc être en capacité de les honorer ou de les renégocier. Il est donc primordial d’analyser la situation patrimoniale exacte de la société dissoute – c’est-à-dire connaître précisément le montant de ses dettes, le statut de ses contrats, les éventuels litiges en cours, et d’évaluer la valeur des actifs – avant de s’engager dans cette voie. Le défaut de vigilance peut aboutir à des conséquences financières lourdes. J’encourage vivement la réalisation d’un audit préalable pour éviter les mauvaises surprises.
Cas pratiques et exemples concrets
Pour mieux illustrer le dispositif, j’aime évoquer plusieurs cas pratiques tirés du terrain. Prenons d’abord le cas d’un entrepreneur individuel qui a créé une EURL pour lancer une activité de conseil en marketing. Après plusieurs années, son activité se développe et il décide de créer une SASU plus structurée pour répondre à des besoins de croissance. Plutôt que de liquider son EURL (ce qui demande souvent une certaine formalité et peut emporter des conséquences fiscales), il choisit de procéder à une TUP de son EURL au profit de sa SASU dont il est l’unique associé. Les comptes clients, les contrats encore en cours et la trésorerie sont transférés automatiquement à la SASU qui poursuit l’activité sans discontinuité. Dans un tel schéma, l’impact sur les clients est minimal et la transition se révèle plutôt fluide.
Autre situation possible : un groupe familial détenant plusieurs SAS pour gérer différents pôles d’activité (immobilier, distribution, logistique, etc.). Avec le temps, certaines filiales n’ont plus d’utilité opérationnelle ou sont devenues redondantes. Une dissolution sans liquidation peut être envisagée pour regrouper au sein de la holding mère l’ensemble des biens ou brevets détenus par ces petites filiales. L’objectif : centraliser la gestion patrimoniale et rationaliser la structure du groupe. Là aussi, la TUP évite de passer par un long processus de liquidation, tout en limitant les frais annexes (par exemple, la vente des actifs séparément, la nomination d’un liquidateur, etc.).
Cependant, il faut être attentif à la question du régime fiscal. Si la TUP est envisagée dans un cadre incluant la TVA, l’IS ou des filiations internationales, mieux vaut se rapprocher d’un professionnel pour analyser les incidences exactes. Dans certains cas, un abus de droit fiscal peut être reproché par l’administration si la TUP est réalisée uniquement pour éluder l’impôt, sans justification économique suffisante. De même, lorsqu’une société dissoute bénéficie d’un crédit d’impôt ou d’un report déficitaire, il est essentiel de s’assurer que la société bénéficiaire pourra récupérer ou transférer ces avantages fiscaux dans les meilleures conditions.
Conseils pour réussir sa dissolution sans liquidation
Pour tirer parti de la TUP, je vous suggère d’aller au-delà de la simple exécution des formalités et d’adopter une démarche proactive. Ainsi, vous évitez les pièges classiques et vous protégez vos intérêts, à la fois financiers et juridiques. Voici quelques pistes incontournables pour y parvenir.
D’abord, faites un diagnostic clair de la situation de la société dissoute. Cela passe par la vérification rigoureuse de son bilan comptable, de ses dettes bancaires, de ses contrats en cours et de ses éventuels litiges avec des tiers. Cette étape peut nécessiter l’aide d’un expert-comptable ou d’un avocat spécialisé, notamment lorsque le passif est significatif ou que des procédures contentieuses sont déjà en route. De plus, il est important de prendre la mesure de la charge financière que représentera la reprise du passif pour l’associé unique ou la société bénéficiaire. Posez-vous la question : « Sommes-nous assez solides financièrement pour supporter cet héritage de dettes et d’engagements ? ».
Ensuite, ne négligez pas la partie administrative. Même si la TUP épargne certaines formalités lourdes, vous devrez toujours récupérer et actualiser tous les documents nécessaires pour le dépôt au greffe et la parution dans le journal d’annonces légales. Les détails comptent beaucoup : la précision de la date de dissolution, l’orthographe exacte de la dénomination sociale, la forme juridique, l’adresse du siège, le montant du capital, etc. J’ai fréquemment vu des opérations retardées parce qu’un dirigeant confondait l’adresse de son siège social avec une ancienne adresse, ou oubliait de notifier un changement de direction intervenu quelques mois plus tôt.
Pensez également à votre stratégie post-TUP. Quels sont vos objectifs à long terme ? Souhaitez-vous fusionner l’activité dissoute dans une autre ligne de produits, redéployer les équipes, ou au contraire conserver la même activité sous un seul toit juridique ? Avoir une vision claire vous permettra d’anticiper les futures étapes : déclaration fiscale, modules sociaux, communication auprès des partenaires et clients. Par ailleurs, la question de la gouvernance peut se poser. Si vous récupérez l’activité d’une filiale dans la société mère, il faut peut-être envisager la nomination de nouveaux directeurs ou la répartition de pouvoirs adaptée à la nouvelle configuration.
Pour terminer, je préconise toujours de solliciter l’avis d’experts. Chaque TUP a son lot de specificités : un actif immobilier, des contrats salariés, des brevets ou licences attachés à la société dissoute, etc. Discuter avec un avocat spécialisé en droit des affaires, un expert-comptable, voire un fiscaliste en cas d’enjeux importants, évite les erreurs de pilotage. Sans ces vérifications en amont, l’opération peut s’avérer coûteuse si elle est remise en cause par des tiers (administration fiscale, créanciers, partenaires), et vous ne voulez pas faire face à des risques de nullité ou à des litiges ultérieurs.
Pour conclure sur ce point, la dissolution sans liquidation et la transmission universelle de patrimoine sont des mécanismes puissants qui permettent de regrouper, réorganiser ou fermer une société avec plus de fluidité qu’une liquidation traditionnelle. En maîtrisant les conditions légales, en préparant un dossier solide et en anticipant les conséquences fiscales, comptables et sociales, vous vous offrez la possibilité de simplifier votre organisation tout en sécurisant vos opérations. Dans un monde entrepreneurial où la réactivité et la flexibilité sont essentielles, la TUP peut véritablement changer la donne.
Comment fonctionnent les oppositions des créanciers et quelles sont leurs implications ?
Un point délicat, qui suscite parfois des inquiétudes chez les dirigeants, concerne le droit d’opposition des créanciers. Lorsqu’une TUP est envisagée, il faut garder à l’esprit que l’article 1844-5 du Code civil subordonne la transmission à l’absence d’opposition. Les créanciers disposent alors d’un délai de 30 jours à compter de la publication de l’avis de dissolution pour manifester leur opposition devant le Tribunal de commerce. L’idée, c’est de leur permettre de vérifier que leurs droits seront bien respectés après la dissolution et que le redevable final de leurs créances est solvable.
Si, dans la pratique, une opposition survient, il appartient au Tribunal de décider si la dissoute doit fournir des garanties de paiement suffisantes ou s’engager à régler la dette pour lever cette opposition. Dans le meilleur des cas, on peut aboutir à un accord amiable entre le créancier et la société bénéficiaire. À l’inverse, si le Tribunal considère que la TUP met en péril les intérêts du créancier, il peut décider de la suspendre. Pour éviter ce type de blocage, il est préférable d’anticiper et de communiquer en amont avec les principaux créanciers. Assurez-vous de leur expliquer la démarche, de présenter des perspectives financières solides et, si besoin, de proposer des garanties. Un climat de confiance et de transparence est souvent la meilleure arme pour éviter les oppositions ou les contentieux longs et onéreux.
Zoom sur les conséquences fiscales
Dans le cadre de la dissolution sans liquidation, la société bénéficiaire récupère non seulement les biens mais aussi les passifs fiscaux. Concrètement, cela signifie qu’elle est tenue de payer l’impôt sur les bénéfices réalisés par la société dissoute jusque-là, ainsi que la TVA collectée. Plusieurs cas de figure se présentent. Par exemple, lorsque la dissolution s’inscrit dans un régime fiscal de faveur, comme le régime de l’intégration fiscale ou des opérations de fusion au sens de l’article 210 A du Code général des impôts, il est parfois possible d’alléger la facture. Cependant, il faut justifier que l’opération est menée pour des raisons économiques valables et non simplement pour contourner l’impôt.
Certains entrepreneurs oublient la question des déficits reportables. Or, si la société dissoute dispose d’un important stock de déficits fiscaux, il convient de vérifier dans quelle mesure la société bénéficiaire pourra en profiter. Les textes fiscaux prévoient des conditions assez strictes pour le maintien et l’imputation de ces déficits. Il faut typically démontrer la poursuite de l’activité et l’absence de modification substantielle affectant la nature de l’activité exercée. Même si le transfert universel de patrimoine rend l’entreprise « bénéficiaire » techniquement identique à la défunte société, l’administration fiscale veille à ce que ce ne soit pas un simple montage pour purger la fiscalité. D’où la nécessité d’un montage cohérent et d’une documentation solide prouvant la réalité économique de l’opération.
Réussir l’intégration des salariés dans la société bénéficiaire
Lorsqu’une société absorbe une entité dissoute, ses salariés rejoignent immédiatement la nouvelle structure. Selon le droit du travail français, le contrat de travail se poursuit de plein droit, ce qui confère aux salariés la garantie de ne pas perdre leur emploi du seul fait de la dissolution. Toutefois, il est important de respecter les informations et consultations du comité social et économique (CSE), si la société bénéficiaire atteint les seuils requis. Le CSE doit pouvoir se prononcer sur les conséquences de ce transfert, notamment en termes d’organisation, de conditions de travail et d’éventuelles modifications de postes.
Par ailleurs, il est primordial de prendre acte des droits acquis (ancienneté, congés payés, avantages conventionnels, etc.). Ces droits ne sont pas remis en cause ou renégociés unilatéralement. Par conséquent, la société bénéficiaire doit prévoir un budget pour le paiement des indemnités éventuelles ou des charges sociales afférentes aux salariés transférés. Dans certains secteurs, il faudra vérifier les conventions collectives, les accords d’entreprise, ou les dispositifs de prévoyance et de retraite. L’anticipation demeure la clé : regrouper en amont tous les bulletins de paie, contrats de travail et accords existants évitera les mauvaises surprises. J’insiste régulièrement auprès de mes clients sur la nécessité de veiller à une passation propre des dossiers sociaux et de systématiquement informer les salariés sur l’identité de leur nouvel employeur. Des actions de communication interne, même si l’opération est purement juridique, peuvent apaiser les inquiétudes et de garantir un climat social serein.
L’importance du rôle des experts
J’insiste encore : la TUP est un domaine réunissant plusieurs matières juridiques et fiscales parfois complexes. Un seul « pick and choose » risque de créer de lourdes conséquences si tout n’est pas parfaitement aligné. C’est pour cela que dans mon quotidien, je collabore avec un réseau d’experts aux compétences complémentaires. Un avocat en droit des sociétés vérifiera la conformité de l’opération au regard des statuts, des pactes, et s’occupera de la formalisation des actes juridiques. Un expert-comptable évaluera la situation de la société à dissoudre pour éviter les risques de sous-évaluation de passif ou de surestimation d’actif. Un fiscaliste pourra vous éclairer sur les régimes d’imposition ou les exonérations potentielles.
La coordination entre ces professionnels est capitale. Chaque structure d’entreprise est unique, et la dissolution sans liquidation doit être envisagée dans une optique globale. Est-ce qu’il y a une dimension patrimoniale marquée ? Des biens immobiliers sensibles ? Des salariés météo dispersés sur plusieurs établissements ? Toutes ces questions nécessitent une attention particulière. Même si la loi n’impose pas formellement de faire appel à un conseil avant d’entamer une TUP, l’investissement dans une expertise qualifiée est généralement rémunérateur. Il est souvent moins onéreux de payer les honoraires d’un spécialiste que de gérer ensuite un litige ou une rectification fiscale.
Conclusion et perspectives
La dissolution sans liquidation, assortie d’une transmission universelle de patrimoine, est un levier juridique de plus en plus utilisé par les dirigeants et les groupes de sociétés souhaitant simplifier leur organisation. En relevant le défi de la législation, du droit des affaires et des règles comptables, elle offre une alternative accessible et potentiellement avantageuse à la liquidation traditionnelle. Pour que l’opération se déroule sous de bons auspices, il importe de maîtriser précisément le cadre légal, de veiller aux mentions légales obligatoires et de respecter les délais de publication et d’opposition.
Préparer la TUP requiert donc réflexion, clarté et anticipation. Vous devez passer en revue l’intégralité des pièces justificatives, prendre en compte la dimension fiscale (impôts, TVA, reports déficitaires) et composer avec les droits des salariés. Par ailleurs, la stratégie entrepreneuriale ne doit pas être négligée : pourquoi dissoudre cette filiale ou cette structure ? Quel projet à moyen ou long terme sous-tend cette réorganisation ? En trouvant des réponses cohérentes et en vous entourant d’experts, vous mettez toutes les chances de votre côté pour que la dissolution sans liquidation soit un succès.
En tant que juriste passionnée par le monde entrepreneurial, j’observe que le recours à la TUP va continuer de prendre de l’ampleur, à mesure que les entreprises cherchent à gagner en souplesse et en rapidité dans leurs opérations de gestion. J’espère que ce tour d’horizon complet aura éclairci vos doutes et répondu à vos questions sur le sujet. N’hésitez pas à me contacter ou à contacter un professionnel si vous envisagez de mettre en place ce type d’opération. Car en fin de compte, mieux vaut prévenir que guérir, et rien ne vaut un accompagnement personnalisé pour opérer sereinement un transfert universel de patrimoine.
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